Cuisiner les plantes sauvages de saison
Aux premiers jours du printemps, le potager ne se presse guère pour sortir de son indolence hivernale, même si tout s’émoustille autour de lui. Dame Nature a beau l’aguicher dans ses plus belles robes fleuries, l’enivrer de ses doux parfums, le taquiner de son exubérance retrouvée, il faudra encore faire preuve de patience pour voir son labeur à l’œuvre et récolter la généreuse palette de légumes primeurs, riches des vitamines et minéraux dont l’hiver nous a quelque peu dépourvus. Nos papilles avides de fraîcheur n’ont pas de quoi se languir pour autant, car le garde-manger champêtre regorge déjà de délicieuses plantes sauvages, qui, au delà de leurs saveurs originales, offrent très exactement ce dont l’organisme a besoin au sortir de l’hiver. Le panier des promenades d’avril se remplit d’asperges sauvages, morilles, pimprenelle, ail des ours, pissenlits, rumex crépu, lierre terrestre, sans oublier les fabuleuses orties. Je vous livre ci-après quelques recettes à base des plantes les plus facilement reconnaissables, ainsi que leurs bienfaits nutritionnels.
« Connaître, cueillir et consommer des plantes sauvages, loin de n’être qu’une mode, se révèle une nouvelle conception, nécessaire, de la vie » François Couplan
Orties en salade ou en cake salé
Nul besoin de décrire cette plante reconnaissable entre toutes, qui ne manque pas de rappeler sa présence impétueuse à ceux qui ne l’auraient pas remarquée. Ses jeunes feuilles, qui perdent leur pouvoir urticant après avoir été légèrement vinaigrées, sont riches en protéines (deux fois plus que le soja), en vitamines A, B2, B5, B9, C, et en minéraux (calcium, magnésium, potassium, zinc, fer, soufre,…). Parmi ses multiples vertus, elle débarrasse l’organisme des toxines accumulées (détoxifiante), elle stimule la fonction rénale (diurétique) et reminéralise l’organisme fatigué.
C’est consommée crue qu’elle révélera au mieux ses atouts (on sélectionnera alors uniquement les jeunes feuilles du sommet de la plante), mais elle agrémente aussi délicieusement les omelettes, sauces ou tartes salées. J’aime tout particulièrement cette recette de cake salé dont les tranches colorées garnissent joyeusement les lunch boxes ou plateaux apéritifs:
- 100gr de feuilles d’orties hachées à peine blanchies
- 3 œufs
- 150 gr de farine (j’utilise une farine bio à 78% complète)
- 1 sachet de levure
- 1,2 dl de lait végétal ou animal selon votre préférence
- 1 poivron rouge
- quelques olives noires dénoyautées
- 100 gr de fromage râpé, là aussi selon votre préférence
- sel, poivre, muscade
- graines de tournesol
Mélangez les œufs entiers avec la farine, la levure et le lait. Ajoutez le poivron coupé en petits dés, les olives, le fromage et les orties hachées. Mélangez et ajouter les épices. Beurrez et farinez un moule à cake et versez-y la préparation. Parsemez de graines de tournesol. Faites cuire 40 min à 180°.
Fabuleux pesto d’ail des ours
L’ail des ours, ou ail sauvage, ne doit pas être confondu avec les feuilles de muguet, similaires dans leur forme mais hautement toxiques. Installée en colonies le long des ruisseaux et dans les endroits frais, plutôt ombragés, cette plante se reconnaît à son odeur caractéristique. En cas de doute, demandez conseil à une personne avisée!
Cousin de l’ail commun, dont il partage la senteur et les bienfaits (de manière plus concentrée), l’ail sauvage est toutefois plus digeste, et plus discret au niveau de l’haleine! Sa popularité tient à sa très haute teneur en vitamine C, ainsi qu’à ses vertus purifiantes, digestives et de réduction des niveaux de pression artérielle. Ses composants soufrés en feraient un aliment anti-cancer.
La consommation crue, en salade ou en pesto, permet de profiter au mieux de ces bienfaits. Voici une recette de pesto dont nous raffolons à la maison, sur des toasts, des pâtes ou des légumes cuits à la vapeur:
- 150gr d’ail des ours
- 250 gr de noix de cajou
- environ 150 ml d’huile d’olive bio extra vierge 1ère pression à froid (ce serait criminel d’y ajouter une huile industrielle!)
- facultatif: quelques tomates séchées
Faites griller les noix de cajou dans une poêle sans matière grasse. Pendant qu’elles refroidissent, détaillez l’ail des ours et les tomates séchées en lanière. Mixez avec l’huile d’olive et les noix de cajou grillées jusqu’à l’obtention de la consistance souhaitée.
Méli-mélo de fleurs en salade
Tel un chef étoilé, la nature sauvage sait mettre tous les sens en émoi en offrant des goûts, textures, senteurs et couleurs aussi surprenantes que variées. Une salade de fleurs, c’est un poème pour les yeux, une exploration enchanteresse pour les papilles et une profusion d’éléments nutritifs pour l’organisme! Ces derniers varient selon les espèces et sont davantage présents dans les variétés sauvages. On s’entend, n’est-ce-pas, on ne cueillera que les fleurs dont on a la certitude qu’elles sont comestibles et non chimiquement traitées…sans quoi l’enchantement pourrait prendre des allures de sortilège!
En cette saison foisonnent pissenlits (vitamine A, C, calcium, fer et potassium), primevères, violettes, lierre terrestre (fleuri), pensées sauvages,…
Je vous souhaite de belles découvertes gastronomiques à la table raffinée du printemps!
Pour aller plus loin: Site Internet de François Couplan, Ethnobotaniste enseignant depuis 1975 les utilisations des plantes sauvages en Europe et aux Etats-Unis sous forme de stages pratiques sur le terrain, auteur de nombreux livres dont "Cueillir et cuisiner les bonnes mauvaises herbes", Editions Sang de la Terre, 2015. Pour les petits: Le Livre des cueillettes et de la cuisine sauvage, Marianne Grand, Editions Milan 2013