7 freins psychologiques à la perte de poids
Dans mon précédent billet dédié à la thématique du surpoids -écrit dans le prolongement du dernier Sommet de la Naturopathie qui y a été consacré- je vous livrais ce qui, selon moi, constitue le premier pas vers une perte de poids durable : prendre conscience des normes sociales, médicales et culturelles qui influencent l’image de soi, prendre conscience aussi de la relation à ces normes, et de la nécessité de s’en affranchir.
J’indiquais en préambule que « l’approche de la perte de poids qui consiste à comparer mathématiquement les calories consommées et les calories dépensées est bien trop simpliste. Quant aux régimes, ils sont toujours basés sur une vision étroitisée de l’alimentation, qui est la vision nutritive. C’est pour cette raison qu’ils sont bien souvent voués à l’échec. Dans l’accompagnement vers le poids santé, il est en effet important de repartir de la vision psychoaffective, émotionnelle, sociale de la nourriture. Pour perdre du poids et optimiser son potentiel santé durablement, il sera indispensable de jouer sur plusieurs curseurs, comme toujours dans une démarche naturopathique ».
Le sujet qui fait l’objet de ce deuxième billet est sans doute moins exploré par les naturopathes eux-mêmes (il m’arrive néanmoins de le faire dans le cadre d’un accompagnement en hypnose), mais il reste fondamental d’intégrer cette piste dans la démarche, et de s’entourer au besoin d’autres professionnels : la perte de poids bute-t-elle sur un obstacle d’ordre psychologique?
Selon Caroline Derumigny, Psycho-analyste Clinicienne et Psychogénéalogiste, lorsqu’il y a prise de poids inexpliquée, que les régimes s’enlisent dans un effet yoyo, lorsque l’on ne parvient pas à se défaire de certains kilos, cela vaut la peine de rechercher l’éventuel poids psychologique ou familial, ce quelque chose qui n’a pas été résolu et qui reste inconsciemment porté.
Le sujet d’aujourd’hui -c’est révélateur- est lourd, mais montre aussi l’importance de déculpabiliser face à ces kilos qui semblent parfois indélogeables : non, perdre du poids, ce n’est pas qu’une question de volonté. Mais on peut commencer par laisser les éventuels freins psychologiques faire leur chemin vers le conscient, en accueillir le message, se faire aider pour déposer les mots, les maux, et ainsi marquer un pas supplémentaire vers l’allègement, qu’il soit physique ou psychique.
Le poids de la famine de guerre
Il y a des « poids mémoire » qui peuvent concerner assez largement la population. Le contexte que nous traversons aujourd’hui pourrait chez beaucoup faire écho à la situation d’après-guère, il y a tout juste un siècle. Même si nous n’avons pas personnellement vécu à cette époque, le souvenir de la famine hante encore certaines mémoires familiales. Le « poids de la famine de guerre » est le poids du souvenir (transmis) de la peur de manquer, de ne pas survivre à la faim. Cette résurgence de traumatismes passés pourrait d’ailleurs s’étendre à l’effondrement psychologique qui affecte tant la population aujourd’hui, ou au « syndrome de la cabane » (peur de ressortir de chez soi après le confinement).
Le poids des grossesses non vécues
Il n’y a pas de mot pour la perte d’un enfant. Pas de mot non plus pour la perte d’un enfant à naître, si ce n’est cette horrible expression de « fausse couche ». Comment peut-on qualifier de « fausse » cette réalité marquée à jamais dans les tripes de celle qui l’a éprouvée? Celui qui perd ses parents est orphelin, celui qui perd son épouse est veuf…mais aucun mot -dans aucune langue semble-t-il- ne qualifie la perte d’un enfant. C’est un état très ‘lourd’ à porter.
Ce poids des grossesses non vécues, qui s’accumule parfois dans la chair, devra aussi être accompagné dans la sphère symbolique. Un rituel, une lettre, un enterrement,…tout ce qui peut donner une existence, une reconnaissance à l’enfant non venu pourra aider à déposer ce poids.
Le poids des décès non travaillés
Sans forcément les éprouver dans le même ordre, dans la même durée, ou de manière aussi fine, la plupart des personnes qui traversent un deuil passent par différentes étapes : choc et déni, douleur, colère et culpabilité, marchandage (autres scénarios imaginés), reconstruction, acceptation.
Parfois, on esquive ces étapes, on se réfugie dans une forme de déni, ou on ne se donne pas le temps de vivre et ressentir les différentes phases. Il y a aussi ces « deuils blancs » qui sont rarement conscientisés comme des deuils à traverser, comme dans le cas de la maladie d’Alzheimer où l’entourage doit faire le deuil de la personne telle qu’elle était avant. L’inconscient, lui, ne peut remettre à plus tard et traduira peut-être le poids qu’il porte sur la balance.
Pour en revenir au contexte que nous vivons, n’aurions-nous pas tous un deuil blanc à vivre par rapport à notre ancien cadre de référence? La psycho-histoire de notre pays, de notre monde, s’inscrit parfois profondément en nous…
Le poids des secrets
Chaque histoire familiale cache ses secrets, ses non-dits, ses douleurs et ses hontes balayées sous le tapis du silence. Celui-ci est bien souvent trahi par les lapsus, ou par l’intuition qu’a très tôt l’enfant que « quelque chose cloche ». Ces secrets lourds à porter peuvent parfois trouver une voie d’expression dans la prise de poids des descendants (ou dans d’autres troubles psychosomatiques de la petite enfance). C’est ce que la célèbre psychothérapeute, auteure et professeur Anne Ancelin Schützenberger a mis en lumière à travers son analyse clinique et sa longue pratique professionnelle. Dans l’un de ses ouvrages (« Aïe, mes aïeux », Editions Desclée De Brouwer), elle explique que « nous sommes un maillon dans la chaîne des générations » et que « nous avons parfois, curieusement, à « payer des dettes » du passé de nos aïeux. C’est une sorte de « loyauté invisible » qui nous pousse à répéter, que nous le voulions ou non, que nous le sachions ou pas, des situations agréables ou des évènements douloureux ». Par les outils de la psychogénéalogie et de l’approche transgénérationnelle, elle invite à mieux comprendre son histoire familiale pour ensuite déposer les fardeaux qui appartiennent au passé.
Le poids de l’attente
Ce qui apparaissait nécessaire à la survie de l’enfant, ce que ses parents attendaient dans les trois premières années de sa vie peut s’avérer très éclairant des troubles de l’adulte qu’il est devenu. C’est ce que Caroline Derumigny nomme « le poids de la somme demandée tant attendue », par exemple lorsqu’une mère répète « sois forte ma fille! ».
Le poids de la protection
Le poids peut encore se faire armure, pour cet enfant qui a peur d’être agressé, pour ce jeune victime de harcèlement, pour cette femme qui a peur de l’engagement,…Ce poids peut être un véritable appel inconscient à l’aide.
Le poids de la demande d’amour
Le dernier poids que nous aborderons ici n’est pas des moindres à soulager. C’est celui de la demande d’amour. C’est l’ampleur physique prise par exemple par l’enfant qui cherche désespérément à être « vu » de sa mère, qui ne sait plus comment être aimé d’elle.
C’est en s’autorisant à s’aimer soi-même que l’on pourra déposer ce poids de la demande d’amour, en apprenant que nous sommes des êtres complexes faits de toute une série de « cases », et que cette case « je m’aime », personne ne peut la remplir à part « soi-m’aime ».
Beaucoup de personnes qui ont pu conscientiser l’un de ces freins à la perte de poids témoignent de ce que, finalement, leur surpoids a été un cadeau, car il les a amenées à s’interroger sur ce qui a pu expliquer leur morphologie. La perte de poids ne suit pas systématiquement un tel travail, mais il aide assurément à l’apaisement, à l’acceptation du corps tel qu’il est, à « positiver ses formes ».
Des livres pour aller plus loin:
"Le corps de l'enfant est le langage de l'hisoire de ses parents", Willy Barral, Editions Petite Biblio Payot
"Aïe, mes aïeux", Anne Ancelin Schützenberger, Editions Desclée De Brouwer
"Vivre le deuil au jour le jour", Dr Christophe Fauré, Editions Albin Michel
"Faire son deuil, un parcours en 9 étapes", Line Asselin, Editions Eyrolles