Co-construire le monde de demain: Pierre Rabhi en conférence à Bruxelles
On ne présente plus ce pionnier de l’agroécologie, tout à la fois paysan, penseur, écrivain et poète. C’est devant un auditoire comble de l’ULB que Pierre Rabhi s’est exprimé ce vendredi soir à Bruxelles, non sans avoir au préalable insisté pour ne pas occuper seul la scène, afin que soient mises en avant les initiatives concrètes de ceux qui, près de chez nous, œuvrent au service des valeurs qui lui sont si chères: « la bienveillance à l’égard de ceux qui nous entourent, une vie sobre pour que d’autres puissent vivre, la compassion, la solidarité, le respect et la sauvegarde de la Vie sous toutes ses formes ». Quelques-unes des ces initiatives sont citées en fin d’article.
« Nous sommes passés d’une humanité primitive qui considérait qu’elle appartenait à la vie, à une humanité dite «évoluée» qui considère que la vie lui appartient. Nous nous sommes érigés comme les propriétaires de la création. C’est la raison pour laquelle nous n’avons plus aucun respect pour rien »
Le titre de la conférence « co-construire le monde de demain », appelle à se demander ce que sera ce monde de demain. Sans détour ou autres formes d’introduction, Pierre Rabhi actionne la douche de mots qui réveillent: nous vivons dans une vision selon laquelle nous, humains, serions la cerise sur le gâteau de la création, toute entière au service de nos besoins. Or, « notre sort est indissociable de celui de l’environnement. Arrêtons de nous croire au-dessus ou en dehors. Le dogme d’une croissance infinie dans un monde fini est dépassé. Il est urgent de changer de paradigme, de reconsidérer le lien qui nous unit à la terre, de valoriser la coopération plutôt que la compétition pour le bien-être de l’humanité dans son ensemble ». Le monde de demain reposera sur ce paradigme ou ne sera pas.
« Si l’humanité ne prend pas conscience de son inconscience on va droit dans le mur »
Si les questions qui sont posées à Pierre Rabhi tout au long de la soirée sont conventionnelles, les réponses sont savoureusement impertinentes. C’est que, l’Homme n’a pas pour habitude de se plier aux règles du jeu. Il invite à toute remettre en cause, y compris le conditionnement dans lequel enferment les croyances religieuses, les appartenances doctrinaires et les attachements qui nous donnent l’illusion de nous sécuriser. Citant l’une de ses références majeures, le philosophe indien Krishnamurti, il appelle à n’admettre aucune vérité que nous n’ayons nous-mêmes expérimentée.
Au travers de son vécu personnel, de ses doutes, des épreuves qu’il considère comme initiatiques, il nous engage à la connaissance de soi -première étape indispensable à la contribution à un monde pacifié-, à sortir de l’incarcération, de toutes ces « boîtes » qui nous emprisonnent, du bahut à la boîte à vieux, et à l’ouverture à une autre intelligence que celle qui mène à la compétition.
Contrairement à ce que certaines phrases chocs peuvent laisser penser, Pierre Rabhi n’est pas un prophète d’apocalypse. Il est, comme l’a qualifié Olivier Le Naire dans son livre ainsi intitulé, semeur d’espoir (Pierre Rabhi, Semeur d’espoir). Car, dit-il, quand on a l’espoir, on ne reste pas à attendre que les choses s’arrangent: on agit. Si l’on n’a pas prise sur la nature et ses lois, l’humain, lui, relève bien de notre champ d’action. C’est à ce niveau que nous pouvons évoluer en nous demandant chacun: suis-je dans l’équilibre, dans la simplicité, dans ma façon de me nourrir, d’habiter, d’éduquer, de me déplacer, de me soigner? Se poser en donneur de leçon est stérile: on ne peut exhorter les autres à faire ce que l’on ne ferait pas soi-même. Par contre, lorsqu’on incarne une manière d’être au quotidien, quelque chose se transmet de bien plus fort que le discours.
Je laisse donc à l’Homme qui incarne le mieux ce qui suit les mots pour le dire:
« La plus grande puissance que peut développer un être humain pour modifier le cours de sa vie, c’est l’amour. Ce n’est pas simplement l’amour humain, mais l’Amour dans sa grande dimension d’aimer. Vraiment aimer ».
La riche bibliographie de Pierre Rabhi, que je ne peux que vous recommander de parcourir, est accessible ici. "Ce n’est pas Pierre Rabhi qui va sauver l’humanité, c’est l’ensemble des personnes qui ont compris qu’elles doivent œuvrer, en conscience, à une humanité transformée". Ils y œuvrent près de chez nous: - Terre en vue facilite l'accès à la terre pour une agriculture durable - Jeter? Pas question. L'initiative Repair Café propose de réparer pour éviter surconsommation et gaspillage - Le programme des « Rues en transition » vous aide à réduire vos dépenses, à améliorer la vie sociale de votre quartier et à agir positivement pour la nature